Description

Submitted by admin on Sat, 2006-05-20 17:02.

Nous sommes un collectif de sept adultes et deux enfants. Nous habitons depuis un an dans une ferme sur le Plateau de Millevaches (Limousin, France). Certains et certaines d'entre nous ont grandi en ville, d'autres à la campagne.

Les forêts qui couvrent les collines qui nous entourent ont abrité un des premiers maquis de la Résistance. L'instituteur d'un village voisin a refusé sa mobilisation pour la guerre d'Algérie et a été soutenu par son village dans cet acte. Dans un autre village du coin, c'est « Maudite soit la guerre » que les habitants et les habitantes ont décidé de graver sur le monument aux morts. Alors il se dit, qu'ici, les gens ne se laissent pas faire. Depuis trente ans des néo-ruraux s'installent sur ces terres et y expérimentent des pratiques d'autonomisation : coopérative d'achat, circuits courts, auto-construction, médias alternatifs, agriculture bio-dynamique, scierie coopérative, trocs en tout genre, etc. Bref, un ensemble de pratiques et un esprit qui ont facilité notre installation et nous intéressent pour leur dimension politique, c'est à dire la vision du monde qu'elles impliquent, même si cette dernière n'est pas toujours formulée.

Nous y puisons, tout en l'alimentant, de quoi renforcer notre démarche collective : entrer dans un processus d'autonomisation à l'égard du système capitaliste et de l'Etat. Pour plein de raisons, la campagne est pour cela un lieu propice ; nous y sommes donc allés ou restés. Au-delà de l'auto-production alimentaire (pain, légumes, fromages, miel...), il s'agit aussi de s'organiser à une échelle plus large pour tout ce qui est plus difficile ou moins intéressant de produire chez soi comme les vêtements, les transports, les livres... Bien que nécessaire, cette recherche d'autonomie matérielle n'est pas pour nous une fin en soi. Dans des proportions variables selon les personnes du collectif, l'objectif est de détruire le système capitaliste, de construire une vie (relations sociales, rapport à la nature, habitat, etc.) la plus dégagée possible des contraintes qu'imposent l'intégration au système économique capitaliste et la conformité aux règlements étatiques, de se sortir de raisonnements et comportements incorporés par des années d'éducation pour transformer soi-même et son rapport avec les autres.

Nous avons construit notre organisation interne de manière à limiter la spécialisation des personnes et favoriser la transmission des compétences et des savoirs. Ainsi les membres du collectif tournent sur les tâches de la vie quotidienne (traire les chêvres, faire la comptabilité, la vaisselle, faire le yaourt et le pain...). Les décisions sont prises collectivement lors de réunions hebdomadaires.

Notre installation à la campagne n'a pas que des motivations politiques. Elle repose aussi sur un ras-le-bol de la ville : l'agression physique par les pollutions et le manque d'espace notamment. Certains ici aiment à rappeler que le béton est un isolant ; il coupe celles et ceux qui y sont des sources de leurs moyens de subsistance (énergie, nourriture...). Ils ajoutent que la ville n'est pas propice à la vie. Notre campagne est aussi un lieu où il y a de l'espace pour faire et une tradition d'entraide pour faire encore mieux. La manière dont nous choisissons de l'habiter permet à celles et ceux qui le veulent d'y trouver un rythme détendant et d'y sentir pleinement la poussée du printemps et la pause annoncée par l'arrivée de l'hiver.

Ceci posé, il nous reste bien des questions. Entre autres : Quelle articulation individus/couples/collectif ? Quelle place et quelle éducation pour les enfants ? Comment obtenir le minimum d'argent nécessaire avec le minimum de contraintes imposées par l'extérieur ? Comment échanger sans calculer avec les gens qui nous sont proches ? Quel équilibre entre nos volontés d'éviter la spécialisation des personnes d'un côté et d'assurer la qualité et la continuité dans ce que nous faisons ?