Espaces autonomes
Ce thème sera traité lors du moment décentralisé à Dijon.
La possibilité de lutter tient souvent en premier lieu au fait de se réapproprier collectivement un espace "autonome"
Qu'il s'agissent de squats urbains, de terrains achetés, négociés, ou réappropriés à la campagne, de bâtisses restaurées ou autoconstruites, de lieux nomades ou temporaires, de centres d'activités et/ou de maisons d'habitation, ces espaces ressources et refuges ont été, en Europe tout au moins, au coeur de brassages d'idées et de personnes, permettant une continuité et un renouvellement des luttes et pratiques radicales et anticapitalistes au cours des dernières décennies.
Le fait de disposer d'espaces autonomes, ruraux et urbains, où pratiquer l'autogestion, produire, mettre en place des actions et offensives, nous est crucial, que ce soit en tant que mouvement de changement social radical ou à une échelle beaucoup plus individuelle.
Ces lieux diversifiés permettent notamment:
- de se loger dans un monde où l'on a pas accès aux formes d'habitation qui nous conviennent ou à une habitation tout court, et de remettre en cause l'accumulation de biens et la sacro-sainte "propriété privée";
- la mise en commun et échanges non-marchands d'objets, outils et savoirs...
- l'expérimentation de modes de vie et d'organisation en collectif qui s'autonomisent, au moins partiellement de l'Etat, du travail salarié et de la société marchande, qui permettent de casser un peu le cloisonnement de nos vies entre travail salarié, vie privée, loisirs & militantisme... et de montrer par la pratique que c'est possible;
- la production de textes, d'outils de diffusion et de médias indépendants;
- d'avoir une base pour des rencontres et projets, des lieux de prise de contact et de sociabilisation, de préparation et de convergence pour des actions...
- du « Do It Yourself », du recyclage et de la construction, des
activités de production agricoles, énergétiques, artisanales... - la création et la diffusion de "cultures" et de mode vies subversifs;
Ces espaces, interstices de libertés incontrôlées, sont à ce titre des cibles prioritaires des pouvoirs en place
Dans certains pays européens, des offensives étatiques déterminées ont déjà fortement compromis l'existence de lieux d'habitation collective et d'activités politiques autonomes.
À l'heure actuelle, en France, ces espaces sont menacés. L'État cherche à imposer un cadre légal encore plus répressif et les autorités semblent de plus en plus promptes à réagir face aux squats de précaires, de sans-papier-e-s et à un certaine recrudescence dans de nombreuses villes en France de squat dit "politiques". Des incendies meurtriers d'immeubles de sans-papier-e-s ont par exemple été instrumentalisés l'été dernier pour accroître les expulsions et mesures contre les lieux squattés.
En milieu rural, l'accès au foncier est de plus en plus dur et les enclaves communautaires se trouvent aux prises avec les normes d'hygiène, de sécurité et la colonisation bourgeoise et touristique.
En France, malgré les nombreux liens existants entre collectifs, les structures formelles d'échange de savoirs et de solidarités sont peu développées. La nécessité de construire un rapport de force conséquent sur l'accès à l'espace et aux terre face à l'État et aux propriétaires
devrait nous questionner sur les possibilités de (re)créér des réseaux, alliances et stratégies communes.
Malgré certaines envies et quelques pratiques effectives, les squats dit "politiques" restent souvent enclavés dans un "ghetto marginal" et ne créent pas toujours de liens direct avec les squats dit de "précaires", de "sans-papier-e-s", ou encore avec les luttes populaires menées dans certains quartiers contre la gentrification et pour le logement...
Cette conférence AMP/PGA devrait:
- être un lieu de débat sur ce que entendons par ces espaces d'autonomie et leur place dans une stratégie de changement social radical entre "alternatives" et "offensive", des liens de ces lieux aux mouvements sociaux et luttes qu'ils cotoîent;
- viser à informer des pratiques que nous menons en ces lieux, poser la question de ce que nous produisons matériellement et d'envisager comment accroître des échanges de tout type notamment dans un axe ville-campagne;
- être un lieu de mutualisation de nos expériences qui permette de s'inspirer de ce que font les un-es et les autres en terme de vie collective, d'activités, d'économie...
- mettre en perspective divers moyens de conserver ou d'acquérir des terres et des bâtiments, de les collectiviser ou d'en construire: squats, wagenburgh, négociations, achats coopératifs, prêt et baux précaires... avec les intérêts, dangers et parts de compromis que les diverses solutions peuvent impliquer;
- permettre la mise en place d'outils pratiques de solidarités entre divers types d'espaces: lieux d'activités, d'habitation, de sans-papier-e-s, des coopératives, des fermes, etc.
- permettre de réfléchir à ce qui peut nous cloisonner les un-e-s vis-à-vis des autres entre des lieux de "précaires", d'"activistes", d'"immigré-e-s", de "nomades", d'"urbain-e-s", de "ruraux-ales", à ce qui peut nous marginaliser et nous couper d'autres...
- questionner sur ce qui peut permettre du long terme, aussi bien des vieux & vieilles dans les espaces que des espaces qui vieillissent;
- permettre de discuter de stratégies de résistance communes face à la répression, aux normes que cherche à imposer l'État, aux expulsions;
- discuter des initiatives qui sont prises (ou pas) au sein de ces espaces pour faire évoluer les normes patriarcales, racistes ou hétérosexistes...
Voilà, on aimerait bien qu'il en ressorte des amitiés, projets et actions en commun.
On aimerait que des gens viennent présenter leur lieux, que l'on parle sérieusement et que l'on se raconte des histoires de barricades et de murs en paille, de récups et de potagers, d'infokiosques et de hacklabs, de concerts chaotiques et de lectures collectives, de relationnel, de fusionnel, de rôles, de genre et de queer, de partage des tâches avec ou sans tableaux, de voisinage et d'accueil, de fric et d'autonomie, de roulottes et de vieilles usines, de propriété d'usage et de collectivisation, de tas d'habits et de psycho-géographie, de relous et de folles amitiées... de festins à 3h du mat et de fours à pains, de petit dej' nonchalants et de journées sur-speedées, de personnages extravagants et de normes identitaires, de vivre de rien avec un peu de tout mais pas toujours ce qu'on veut, de réunions qui se finissent en boum et de chantiers qui se transforment en jeux, de complots murmurés et de pouvoir hurler quand ça nous chante, de cumulus transformés en poêles et de poêles transformés en moteur, de façades peintes fièrement et de refuges cachés, de constructions folles, de tuyauteries qui fuient, de réseaux qui pètent, de magnifiques épaves qui ne roulent plus qu'à moitié, de l'angoisse de devoir redéménager encore et de la pure beauté quotidienne de s'inventer une vie avec nos meilleurs potes de toujours ou celleux qui ont débarqués la veille...